Quel est ton parcours ?
Diplômée en 2012 de l'École Pivaut (Nantes), filière "dessin animé", j'ai commencé ma carrière en travaillant quelques années en studio d’animation (Je suis bien content - Paris, Tonic DNA - Montréal). En parallèle, j'ai toujours peins, déjà à l'encre (brou de noix), déjà autour de la Nature. Puis, avec mon partenaire, nous avons décidé de partir nous installer quelque temps à Tokyo et j'en ai profité pour me lancer à mon compte, en tant qu’artiste-illustratrice freelance.
Nous sommes finalement restés au Japon presque 5 ans. J'y ai découvert la peinture sumi-e et je suis tombée complètement amoureuse de cet art. À ce moment-là, rien n'aurait pu me rendre plus heureuse que ce retour au traditionnel, à l'encre et au papier. Avec les années de pratique mon style graphique a petit à petit évolué, s'épurant, se poétisant, se japonisant aussi un peu probablement ?
Qu'est ce que le "sumi-e" ?
Sumi-e signifie littéralement "image (e) à l'encre noire (sumi)" en japonais. C'est une technique de peinture "zen", lente et vive à la fois, rythmée par la respiration, vivante. On peint sur papier de riz (papier très fin, presque transparent), à l'encre noir, en quelques traits de pinceaux que l'on ne peut pas corriger. On utilise/joue avec le blanc du papier, le "vide", pour laisser au "regardeur" la liberté d'imaginer le non-dit. Le sumi-e est un art qui s'inspire essentiellement de la nature, des saisons. Qui apprend à contempler.
Mais c'est aussi une philosophie et une pratique zen qui vise à améliorer sa patience et sa concentration, à faire le vide dans sa tête, à capturer l’instant présent. Le but avec le sumi-e n’est pas de peindre de façon réaliste, mais de transmettre ce que nous inspire un sujet, ou l’état émotionnel dans lequel on est lorsqu’on le peint. De transmettre des impressions plutôt qu’une réalité. On tente de capter un fragment d’un oiseau, d’une fleur, d’un insecte ou d’un paysage et de le retranscrire avec de l’encre, de l’eau sur du papier, en fonction de nos ressentis et émotions.
Comment as-tu appris la technique du "sumi-e" ?
J’ai découvert la peinture sumi-e un peu par hasard en arrivant au Japon en 2016. Curieuse d'en apprendre plus sur le sujet, je me suis rendue à l’exposition d’un maître japonais regroupant ses œuvres, celles d'autres maîtres, et celles de ses élèves. Il était présent ce jour-là et nous avons pu échanger sur son art. Il m’a proposé de venir à un premier cours d’essai dans son atelier, j'ai accepté, et depuis, je n'ai plus jamais cessé de peindre.
Sept ans plus tard, je suis installée à Boston, aux États-Unis, mais mon sensei est toujours mon sensei. Il m'accompagne et me soutient à distance dans mes projets, me permet de continuer à progresser, à affiner mon art, ma technique. Je participe chaque année à son exposition tokyoïte, celle à laquelle je me suis rendue "un peu par hasard" en 2016... Je suis chaque jour reconnaissante pour cette rencontre qui a d'une certaine façon réorienté ma vie.
Quel est l'origine du projet de l'IMAGIER ? D'où vient l'idée de créer ces illustrations et la liste de mots ?
Je pense que la Maison Akinomé m'a contacté en premier lieu pour le style japonisant de mon travail. Pour Stéphanie (fondatrice des Éditions Akinomé) mes illustrations, colorées sur fond blanc, semblaient parfaitement adaptées à un imagier japonais pour les petits. Nous avons choisi la liste de mots ensemble, notre souhait étant de pouvoir proposer un éventail de mots englobant les différentes facettes du Japon : ses animaux, ses traditions, sa culture, son artisanat, ses fleurs, sa gastronomie...
Nous avons établi chacune notre liste, puis les avons mises en commun pour finalement arriver à un choix de 23 mots (format "jeunesse"), mais s'il n'en tenait qu'à nous, le livre aurait pu avoir 100 pages... Certaines des illustrations de l'imagier sont des peintures réalisées il y a quelque temps, sur lesquelles Stéphanie a flashé, et d'autres (la plupart) sont des nouveautés peintes exclusivement pour le livre.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
En premier lieu, c'est un peu bête à dire, mais je dirai "mon coeur". J'essaie d'être attentive à ce qui le fait chanter. À travailler sur les sujets qui m'apportent vraiment de la joie, qui m'émerveillent, ou qui me procure une émotion particulière. J'ai en général du mal à créer si le sujet ne m'inspire pas, ne me fait pas du bien. Je suis aussi, bien sûr, très inspirée par mes voyages. Par mes années de vie au Japon, par ce que j'y ai découvert, ressenti. C'est un pays qui m'a énormément nourrie. Et puis, comme le reflète probablement mon travail, la Nature est un de mes sujets favoris.
Quel est ton illustration favorite de l'IMAGIER ?
Je crois que ce sont les crabes. Je ne sais pas pourquoi. Ils m'apportent beaucoup de joie :)